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Causerie. Lyon, le 14 avril.

En humant délicieusement ces jours-ci, dans les allées du parc de la Tête-d'Or, les brises attiédies d'un printemps qui vient à son heure, je me rappelais les sottises des faux savants sur « le refroidissement de la terre ».

Il serait amusant de relire aujourd'hui les articles des astronomes, géologues et météorologues établissant doctement, à la suite de quelques changements dans les manifestations des saisons que la terre perd rapidement sa chaleur naturelle, ainsi qu'un grand vieillard menacé d'une mort prochaine.

Si la terre s'était refroidie, elle a eu des remords ; et elle s'est ravisée et ranimée, car cette année, le printemps non content d'arriver à l'heure comme un voyageur soucieux de ne pas manquer le train, l'a plutôt devancée.

De graves questions sont à l'ordre du jour : le renouvellement de la Chambre législative, le renouvellement d'un procès retentissant ; mais la Nature y demeure magnifiquement indifférente. Elle fait resplendir ses féeries printanières. Tout scintille et poudroie; les arbres fruitiers fleurissent avec un abandon candide sans se douter que les gelées tardives peuvent brusquement joncher le sol de leur dépouille parfumée.

Au demeurant, s'il arrive à de certaines périodes, que le printemps manque son entrée, comme on dit au théâtre, il regagne plus tard le temps perdu. Quant au refroidissement de la terre, s'il se produit, il est inappréciable en quelques siècles. On a retrouvé des « bans de vendanges » du quinzième siècle, c'est-à-dire des documents fixant la date à laquelle le raisin devait être cueilli en diverses régions de la France. Il en résulte que les vendanges se faisaient alors aux mêmes dates, ou si l'on veut, avec les mêmes écarts de date que de nos jours.

Sous l'influence du bavardage des faux savants auxquels je faisais tout à l'heure allusion, l'homme est trop enclin à penser en vieillissant que la terre se refroidit aussi vite que lui-même.

La différence est insensible entre le climat actuel de notre France et celui d'il y a mille ans.

La poussière humaine s'amoncelle sans qu'un changement appréciable se produise dans le fonctionnement de la nature :

Et la pervenche est plus éternelle que Rome.

Mères et grand'mères, veillez !

Et vous aussi, chambrières qui escortez dans la rue de grandes fillettes aux tresses pendantes. Les belles nattes de cheveux sont convoitées par certains voleurs à l'égal des porte-monnaie. On vient d'arrêter un de ces coquins qui, en un tour de main, avait dépouillé la tête d'une charmante jeune fille de sa riche et lourde parure noire. Il faudra des années pour que la magnifique chevelure ainsi détruite, se soit reformée.

On est averti, qu'on prenne garde : les tresses pendantes sont en péril.

Les voleurs de cheveux sont moins rares qu'on ne pense. Ils vendent à un bon prix, ces dépouilles précieuses. Les beaux cheveux féminins coûtent cher, et ils donnent lieu à un trafic considérable que les voleurs n'alimentent pas seuls. La Bretagne, le Béarn, l'Auvergne connaissent bien les industriels qui achètent, au poids, leur chevelure aux pauvres filles.

On a dit et imprimé que la plupart des faux chignons et des fausses nattes n'étaient autre chose que la dépouille des mortes. C'est là une erreur. Outre qu'il serait impossible d'obtenir des familles les plus pauvres le droit de tondre une morte, il est avéré qu'après la mort, les cheveux deviennent trop cassants pour être manipulés.

Une chose humiliante pour le sexe laid, c'est que personne ne songe à lui acheter ou à lui voler ses cheveux.

Ainsi, M. X..., qui les porte fort longs, peut se promener à toute heure, dans les rues de Lyon, sans aucun danger pour ses agréments capillaires.

La triste vérité est que les cheveux masculins ne sont bons à rien. Toutes les applications ou transformations tentées jusqu'à ce jour ont échoué.

Il y à quelques années, les coiffeurs qui n'en peuvent tirer aucun profit, eurent pourtant une lueur d'espoir. Un ingénieux chercheur crut avoir trouvé le moyen de transformer ces déchets en... sel d'oseille !

C'était un beau rêve, mais ce n'était qu'un rêve.

Et pendant que le commerce convoite la chevelure des femmes, il continue à n'avoir pour les nôtres, ô mes frères, qu'un dédain voisin du mépris.

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